par Philippe Margot
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Un certain nombre de rites sont associés au champagne, en raison de son caractère de vin de l'amour, de la fête et de la réussite. Il est même considéré comme un talisman par certains, qui arrosent de mousse ceux à qui ils veulent du bien, ou en mouillent la tempe ou le revers de l'oreille, zone érogène, d'un doigt trempé dans le liquide pétillant. Dans le même esprit, depuis la Belle Époque, les amoureux le boivent en entrelaçant les bras qui tiennent les verres. En Grande-Bretagne, on donne à ses amis, comme porte-bonheur, un bouchon de champagne dans lequel on a inséré, dans une fente pratiquée dans le miroir, la pièce de monnaie ayant la plus petite valeur nominale.
Mais le rite le plus généralement lié au champagne, jusqu'à en être inséparable, c'est le toast, autrefois appelé "santé", terme couramment utilisé en Suisse pour toutes sortes de vins. La tradition est aussi respectable que vénérable.
Legrand d'Aussy écrit dans son Histoire de la vie privée des Français qu'à l'origine, l'usage de se porter des "santés" n'était chez les Anciens, qui l'ont transmis, qu'une cérémonie religieuse. Par la suite on trouva qu'il était plus gai de célébrer, le verre en main, les plaisirs de ses amis, ou de boire à la santé de celle qu'on aime. Et Franklin précise que parfois, on mettait au fond du verre une croûte de pain rôtie, et le verre passait de main en main avant d'arriver au convive à la faveur de qui l'on buvait. Celui-ci vidait le verre et mangeait la "rôtie", appelée «toustée» ou «tostée», d'où nous avons fait toast. Les toasts publics portés en fin de repas ont été mis à l'honneur, pour des politiques, par les révolutionnaires de 1789, et A.B. de Périgord, dans son Nouvel Almanach des gourmands se réjouissait, en 1825, de cette mode salutaire et éminemment philanthropique établie depuis quelque temps, de porter des toasts au moment du dessert.
On peut clore ce chapitre par quelques vers de Béranger:
Trinquer est un plaisir fort sage
Qu'aujourd'hui l'on traite d'abus
Quand du mépris d'un tel usage
Les gens du monde sont imbus,
De le suivre, amis, faisons gloire,
Riant de qui peut s'en moquer.
D'autres manifestations, bien que moins fréquentes, sont associées à l'image du champagne, vin de la fête. Lurine et Bouvier citent en 1841 le Jeu des pyramides, où l'on doit vider des pyramides de verres pleins de champagne (374). Appelé aussi Fontaine de champagne ou Cascade de champagne, il consiste à élever une pyramide de verres en plaçant directement ceux d'un étage sur ceux de l'étage inférieur, puis, dans le verre qui couronne l'édifice, à verser le champagne, qui s'écoule de palier en palier en une cascade dorée et mousseuse, remplissant tous les verres au passage, merveilleux symbole de sa générosité inépuisable.
Pyramides
Lors d'actions publicitaires, il n'est pas rare que les grandes maisons de champagne attirent le chaland en présentant une pyramide de verres qui sont remplis à grand renfort de bouteilles géantes déversées dans le verre supérieur. Par débordement, la totalité des verres se remplit. Ce n'est évidemment pas la meilleure façon d'apprécier une flûte de champagne !
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Pyramides
de verres (la flûte s'y prête mal). |
