LE DERNIER VINEXPO DU SIECLE

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Du 14 au 18 juin 1999 Bordeaux était la capitale Mondiale du Vin. Venus de près de 50 pays (États-Unis, Nouvelle-Zélande, Australie, Israël, Afrique du Sud, Chili, Argentine, Espagne, Italie, Autriche, Allemagne...) ils n'étaient pas moins de 2000 exposants (400 sociétés auraient été refusées par manque de place) à présenter leur production.

Pour ce dernier salon du siècle (le prochain aura lieu en 2001) plus de 50 000 visiteurs venus de 120 pays étaient attendus. Mais voilà, ce salon est réservé aux professionnels et non aux amateurs éclairés. Et si cela a quelque chose de frustrant pour beaucoup d'amoureux du vin, il faut reconnaître que le caractère professionnel du salon lui garantit son succès.

En effet, on estime que les 1000 plus gros acheteurs mondiaux sont présents sur le salon pour débusquer les grands vins d'aujourd'hui ou de demain. Vinexpo, c'est l'occasion pour un producteur de se faire connaître. Pour les grandes maisons, c'est l'occasion d'observer la concurrence et les tendances porteuses.

Pour cette dixième édition, de jeunes créateurs de 8 écoles des Beaux-Arts dévoilaient leurs projets pour réinventer le packaging du vin : bouteille carrée, canette en métal, étiquette détachable entourant le goulot... des  projets qui secouent pas mal le conservatisme des professionnels et les valeurs de tradition attachées au vin dans notre pays. Mais attention, en Afrique du sud, en Océanie, et en Amérique la culture du vin est plus récente et donc plus moderne qu'en Europe. La fantaisie est plus grande en ce qui concerne les formes et les couleurs des bouteilles ou des étiquettes. Sur ces continents, on cherche davantage à attirer les jeunes vers le vin, car les jeunes d'aujourd'hui sont les consommateurs de demain.

Le sociologue Gérard Mermet exposant les résultats d'une grande enquête internationale "Quel vin pour le début du XXI ème siècle ?" a dégagé une tendance majeure : le nomadisme. On doit pouvoir consommer partout, quel que soit le lieu on l'on se trouve y compris dans la rue ou en voiture. Les repas sont déstructurés et le grignotage de plus en plus pratiqué. Or le vin n'est pas adapté à ce mode de vie. Les bouteilles en verre sont trop lourdes et trop fragiles pour qu'on puisse les transporter facilement, leur contenance est trop importante pour une consommation individuelle. Il faut donc innover et proposer aux jeunes des produits adaptés au nomadisme afin d'éviter qu'ils ne se coupent du monde du vin.

Vous aurez remarqué que ce constat parle davantage de produit que de vin, d'image ou d'emballage plus que de qualité.

Le monde du vin est en train d'évoluer. Jusqu'à ces dernières années, les producteurs étaient avant tout vignerons. Aujourd'hui, avec l'émergence de grandes sociétés, certains producteurs sont avant tout des hommes de marketing et de finance. De plus en plus, le fossé va se creuser : d'un côté on produira un vin dont la qualité et l'authenticité sera le cheval de bataille, de l'autre, on produira un "vin" marketing dont le principal atout sera d'être "tendance" et si possible à bas prix. Mais contrairement à ce que croient certains, il n'est pas dit qu'un consommateur de vin marketing sera prêt à passer à devenir un consommateur de vin traditionnel.

Certes nous ne buvons pas le même vin que nos grands-pères et il faut savoir évoluer. Mais la seule issue pour le vin n'est-elle pas d'évoluer vers plus de qualité ? Améliorer le packaging pour séduire les jeunes consommateurs ? Peut-être ? Mais si le vin qu'ils boivent est décevant, est-ce que cela les engagera à boire davantage de vin ?

Enfin, si dans le futur, on est tellement nomade qu'on ne prend plus le temps de s'asseoir pour un bon repas en famille ou entre amis, que l'on n'a plus le temps d'apprécier le bruit d'une bouteille qu'on débouche, aura-t-on encore le temps d'apprécier le vin ? Le vin, lui, n'est pas nomade, il n'aime pas les voyages, les changements de température ou d'humidité. Le vin ne se développe bien que dans un milieu stable.

Alors messieurs les sociologues et autres marqueteurs, ne vous trompez pas de cible et de grâce n'amenez pas les vrais amateurs à se désintéresser du vin en leur faisant avaler n'importe quoi. Vos conseils sont bons pour ceux qui ne voient dans le vin qu'une source de profit. Ils ont tout intérêt à coller au plus près à la mode, aux tendances et même à les susciter. Ceux qui cherchent à faire un vin honnête et de qualité sont dans le vrai. Les consommateurs jeunes ou moins jeunes y reconnaîtront leur intérêt.

G.G le 19/06/99

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 © Gilles GARRIGUES 1998-1999